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Transfert de l’organisation des élections au MATD : un hold-up électoral en cours de préparation

La décision de transférer au Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD) la responsabilité d’organiser les élections,  au mépris des normes communautaires et régionales en vigueur en la matière,  procède d’une énième manœuvre dilatoire du CNRD visant à organiser un véritable hold up électoral privant ainsi les gouvernés du choix libre et souverain de leurs gouvernants.

Le CNRD veut s’arroger le droit ô combien lourd de conséquences de choisir à la place des électeurs qui présidera aux destinées de notre pays.

Relevons tout d’abord que l’organisation des élections par le MATD est contraire à la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui, à son article 17 alinéa 1, consacre que tout Etat partie doit : « Créer et renforcer les organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux, chargés de la gestion des élections ». Or, c’est une lapalissade que d’affirmer que le MATD, complètement inféodé à l’Exécutif, n’offre aucune garantie d’indépendance et d’impartialité.

D’ailleurs, le fait que les compétences des administrateurs territoriaux notamment les préfets, ont déjà été élargies pour intégrer la gestion des élections, en dit long sur le vandalisme électoral en cours de préparation.

Le Protocole A/SP1/12/01 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance consacre quant à lui à son article 3 : « les organes chargés des élections doivent être indépendants et/ou neutres et avoir la confiance des acteurs et protagonistes de la vie politique.

En cas de nécessité, une concertation nationale appropriée doit déterminer la nature et la forme

 desdits Organes ». Lorsqu’on sait la crise profonde de confiance qui demeure entre les différents acteurs de la vie politique et le refus délibéré de la junte de tout dialogue pour déterminer de manière consensuelle les termes de la transition, il serait suicidaire de persister dans la voie de l’unilatéralisme.

Notons ensuite que la décision de générer le fichier électoral par le RAVEC a déjà été prise par décret du 05 novembre 2022, il y a donc plus d’un an, et vendue à la CEDEAO depuis la conclusion de l’Accord dynamique conclu en octobre 2022. La validation par le CNT de cette décision déjà prise, et supposée en cours d’exécution, est un non événement qui en soi ne fait nullement avancer le processus électoral.

En réalité , l’unique objectif du CNRD, en tentant d’obtenir du RAVEC un fichier d’état civil couvrant l’étendue du territoire national et duquel pourrait être extrait un fichier électoral pour les élections à venir, alors même que le RAVEC n’a aucun lien structurel avec le processus électoral, est de retarder et de saboter le retour à l’ordre constitutionnel.

Rien ne justifie cet acharnement à extraire le Fichier électoral du RAVEC si ce n’est de manipuler les résultats des scrutins à venir.

Une telle démarche ne permettrait en aucun cas d’obtenir un fichier électoral fiable et exhaustif pendant la transition à moins de considérer que nous sommes sous une transition à durée illimitée et indéterminée.

L’exemple des pays voisins est assez édifiant. Le Sénégal, qui a commencé à implémenter son RAVEC il y a plus de 5 ans, en est toujours à procéder à la révision de ses listes électorales. Et c’est loin d’être un cas isolé ou marginal.

Le CNRD, le CNT et le MATD sont invités au respect scrupuleux des dispositions de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui disposent clairement que le droit électoral est un droit consensuel.

Le respect de ces textes s’impose d’autant plus que le CNRD, dans le préambule de la Charte de la transition, réaffirme son attachement aux valeurs et principes démocratiques y découlant.

L’organisation des élections n’est plus laissée à la discrétion  d’un Ministère.

Il y est exigé que les Organes de Gestion des Elections (OGE) soient consensuels et indépendants.

En disposer autrement et s’entêter dans cette démarche illégale et arbitraire serait lourde de conséquences pour notre pays.

Souleymane Souza KONATE,  Président de la Commission Communication de l’ANAD et Conseiller chargé de Communication de CELLOU DALEIN DIALLO.

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