Transition Acte II : la junte doit libérer enfin le messager  (Par Djan Baldé)

La récente nomination d’un nouveau locataire au palais de la Colombe serait sans doute annonciatrice d’un aggiornamento. Ce changement de paradigme longtemps voulu et rêvé par le peuple de Guinée, échaudé par le raidissement d’une junte, qui n’aura fait que passer sa profession de foi par pertes et profits, serait l’ultime occasion pour enfin lâcher la bride aux médias « mainstream », qui souffrent le martyr depuis novembre 2023. Leur tort ‘’c’est d’avoir eu trop tôt raison’’ de dénoncer l’édifice vermoulu de la transition. Une transition qui n’aura fait cependant, que remettre au goût du jour, tous les travers reprochés au roi déchu et exilé contre son gré. Ainsi on peut pointer du doigt la corruption, le népotisme, le clientélisme, l’impunité et la violation des libertés fondamentales, dans cet inventaire à la Prévert, pour illustrer ce sombre tableau de la gouvernance à vau-l’eau d’une junte qui avait pourtant promis de faire de la Guinée un pays de cocagne.

Avec le recul, on peut dire sans risque de se tromper que l’histoire a été bonne fille, en confirmant toutes les mauvaises nouvelles portées par le messager. Chose qui lui a valu certainement le courroux du roi. Qui a usé de son glaive vengeur pour tenter de lui trancher la gorge, en brouillant les ondes de FIM-FM, Espace FM et Djoma FM. Comme si cela ne suffisait pas, la colère de la junte s’est abattue sur les télévisions de ces médias réputés pour leur impertinence, qui ont été de facto décrochées du bouquet numérique Canal+.

Cette censure aggravée par la restriction imposée à l’internet, avait des allures d’une chape de plomb rappelant la période sombre de l’histoire de notre pays. Face à cette crispation, marquée par des privations aussi bien des libertés fondamentales que des besoins du quotidien, avec la cherté des prix des denrées, un malaise s’est installé au sein des populations. Et le feu couvait sous la cendre. Cela était un secret de polichinelle.

C’est sans doute, après avoir pris la mesure de la situation, que le général Mamadi Doumbouya a décidé de prendre le taureau par les cornes. Ne dit-on pas qu’il faut savoir sacrifier la barbe, pour sauver la tête, quand le besoin se pose.

C’est ce qui a donné lieu à la dissolution du gouvernement Goumou, et la nomination d’un nouveau Premier ministre en la personne de M. Amadou Oury Bah.

Le nouveau promu est un pion de l’échiquier politique, dont le pedigree ne souffre d’aucune contestation. L’homme n’était d’ailleurs pas au bout de ses tribulations jusqu’à sa nomination au sein du couple exécutif.

Bien des gens pensent que ce choix constitue une mise à l’épreuve pour Bah Oury, qui succède à deux technocrates, usés par le président de la transition en deux ans. L’adage nous apprend qu’il n’y a jamais deux sans trois. Le nouveau locataire du palais de la Colombe, qui a la double casquette de technocrate et de politique, saura assurément répondre aux attentes. C’est vraiment tout le mal qu’on lui souhaite.

Surtout qu’en tant que politicien madré, Bah Oury détient les ficelles du métier bien plus que ses prédécesseurs, qui étaient un peu trop en sucre aussi.

En attendant que ne soit livrée sa déclaration de politique générale, le contexte de tension et de perturbation provoqué par la grève du mouvement syndical commande que le Premier ministre se mette tout de suite à la tâche pour résorber la crise. Cela doit passer impérativement par la levée des restrictions des libertés d’expression. Il faudra donc que les radios et les télévisions puissent émettre librement en Guinée sous le magistère de Bah Oury, sinon la création de l’OGDH, dont il fut l’un des membres fondateurs n’aura servi à rien. Quid de son passage à la tête du ministère de la réconciliation ? Un atout qu’il garde dans sa manche.

A moins qu’il ne profite de sa fonction pour obéir au pied de la lettre au CNRD, et faire sa pelote. En passant son temps à inaugurer les chrysanthèmes en tant que le premier des ministres. Et à jouer les ponce-pilate, comme tout bon guinéen béni des dieux du lucre.

Mamadou Djan BALDE

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