Ces dernières années en Guinée, nous assistons à un investissement des différents canaux de communications par des personnalités politiques et publiques. Cela montre la nécessité pour ces acteurs de communiquer avec le peuple dont ils ont la charge.
En matière de communication publique, rendre compte de manière transparente devient donc un devoir pour les autorités. Pour cela il faut muter, casser les codes les plus intouchables du domaine, afin d’innover et de se réinventer.
Démocratiser la communication
En effet, “réinventer” est important. Ce mot comporte un sens, une vision, un objectif, celui de démocratiser la communication.
Conscient que cette notion paraît encore vague pour beaucoup d’entre vous, je vous propose un procédé pour y arriver.
Figurez-vous qu’en Guinée, la RTG détient l’exclusivité de toute la communication publique.
Figurez-vous par ailleurs que nous n’avons pas encore mis en place un espace de confrontation des propositions des personnes aspirant nous diriger ;
Enfin, figurez-vous qu’aujourd’hui certaines autorités considèrent que c’est un privilège qu’elles nous accordent, en nous permettant d’accéder aux informations basiques de leurs institutions.
Face à ces différents enjeux servis en entrée sur une table appétissante, sur laquelle il faut ajouter un plat de difficultés humaines facilitées par la présence d’un système et un dessert de court timing, la tâche devient immense.
Une communication humaine, transparente et pédagogique
Bien que développer le pays ne vous incombe pas pour l’heure, votre temps d’exercice en cette période de transition nécessite la mise en place d’actes marquants un début de démocratisation de la communication publique à travers notamment :
– L’institutionnalisation du débat entre les candidats aux différentes élections avec, pourquoi pas, la participation de la Haute Autorité de la Communication, ainsi que la RTG et les différents médias privés. Par cet acte, vous nous permettrez de mieux comprendre en amont quel candidat pour quelle Guinée ? Si aujourd’hui vos nominations parlent essentiellement de compétences, nos électeurs doivent en faire autant afin d’avoir des dirigeants qui nous parleront et avec lesquels nous pourrons faire la Guinée. Si cet aspect uniquement peut ressembler à la communication politique, il revêt également un avant-goût de communication publique qui nous sera révélé par la dramaturgie autour de l’organisation et le contenu de ces débats. On saura ainsi la manière dont ces personnalités publiques comptent nous faire un retour de leurs gestions.
– La transparence dans la communication des acteurs publics : il est essentiel d’instaurer un cadre permanent de comptes rendus dans la gestion et les mouvements de nos dirigeants. Je dirais même une maison de presse au sein de la présidence, avec un porte-parole qui relaiera quotidiennement devant un parterre de journalistes chaque actualité sans distinction, puisque les mouvements des autorités sont permanents. Comme le martèle Frédéric Fougerat, “privilégier l’annonce des faits et non l’effet d’annonce”. Cela permet d’éviter de subir et de se faire une marge de tolérance dans un climat de transparence et de proximité. La méfiance du peuple vis-à-vis de nos politiques l’a amené à mettre sa confiance en nos journalistes aussi. Regagner cette confiance est possible par la transparence et une courroie crédible de transmission des messages. Il faudra donc inclure la presse dans son entièreté à l’image des discours tenus jusque-là.
– Toute communication publique qui ne place pas l’humain et sa compréhension des actions de communication souffrira d’une réelle efficience. Ce qui donne un sens à notre communication est la capacité à fédérer et à rendre accessible la communication à tous les niveaux. On a besoin de communication car on en vit d’ailleurs. Il est donc primordial d’opter pour une stratégie pédagogique qui s’évertue à expliquer pour faire comprendre et non à imposer. Le peuple qui vous suit est conscient et saura faire parler son libre arbitre. Ce procédé facilite l’instauration d’un climat de confiance et la fédération des populations de manière raisonnée et raisonnable dans les initiatives publiques
La communication en Guinée a longtemps souffert d’abandon, voire d’ oubli. Si par méconnaissance on la ramène à un rôle subsidiaire, il faut savoir qu’elle a toute son importance dans la construction de notre pays qui a tant besoin d’attractivités suites aux instabilités politiques que nous venons de connaître. La communication territoriale pourra nous être utile pour “communiquer la Guinée” une expression que j’emprunte à ma consoeur Salématou Sako.
Lucien Blémou, spécialiste de la communication politique et publique
Paris 1 Panthéon-Sorbonne