Depuis Dinguiraye chez moi et sous une chaleur qui me refuse le sommeil, je me permets de coucher ces quelques lignes à la suite d’un écrit dont on m’a envoyé la capture pour demander ma réaction. Il s’agit d’un post de Monsieur Sékou Koundouno, activiste de la société civile vivant hors du pays. Beaucoup auraient voulu qu’on se taise. Comme d’habitude. Qu’on laisse les gens parler puisque ça va passer. Mais un connaisseur de la Guinée, l’ancien président Alpha Condé, nous enseigne qu’ici, hélas, plus le mensonge est gros, plus les gens ont tendance à croire. Ceci explique peut-être l’énormité que certains confèrent à ce qu’ils débitent sur les autres quand ils sont pourchassés par leur désir de dénigrer pour dénigrer.
J’évoque le sujet parce que d’abord, j’ai un respect pour le parcours de M. Koundouno même si lui et moi ne boxons pas sur le même ring. Je peux me tromper mais je pense aussi qu’entre Koundouno et moi, il y a plutôt un respect mutuel. J’ai donc l’obligation de le respecter dans sa dignité et dans sa condition de Guinéen qui a les mêmes droits et les mêmes devoirs que moi. Ceci, pour rester en harmonie avec ma devise de respecter ceux qui me respectent et de ne pas me gêner, quand il faut, de mépriser ceux qui me refusent leur courtoisie.
Cr texte signé de mon cher Koundouno est fait d’un ensemble de mots avec pour seul objectif de tenter d’accabler en jetant l’opprobre sur «les dirigeants des associations de presse» même si je dois lui reconnaitre le fait d’avoir été assez court dans ses affabulations. Moi, agissant à titre personnel et non au compte d’une quelconque entité, je vais être un peu long pour un besoin de pédagogie. Nous passons tout notre temps à critiquer les autres, qui sommes-nous pour ne pas subir des critiques afin de nous rappeler qu’après tout, nous restons des humains jamais infaillibles ? C’est tout à fait normal de critiquer les associations de presse. C’est d’ailleurs vital pour la fécondité du debat public. Si M. Koundouno s’était borné à des critiques objectives, nous aurions entendu son appel et aurions pris cela comme une interpellation et un appel à l’amélioration. Mais à lire son texte, comme il sait l’être souvent face à ses adversaires politiques, il a laissé transparaitre un certain mépris avec une désinformation malheureusement pas honnête.
Dire que les associations de presse sont restées muetes face à la situation d’un journaliste donné, c’est contraire à la vérité. C’est vrai qu’on peut réclamer plus de fermeté ou autre chose mais on ne peut pas dire que les associations sont restées muettes au nom d’un arrangement comme le dit M. Koundouno. Quel arrangement ? Pour le cas singulier que vous évoquez, que dites-vous de la déclaration et la visite au domicile de la personne que vous citez ? Une démarche de l’AGUIPEL qui a bénéficié du soutien de l’ensemble des associations de presse, comme nous en avons l’habitude. Il ne s’agit pas de se justifier, mais pour relever que vous êtes dans un déni total. Et c’est dommage que le debat public de chez nous soit caractérisé ainsi.
M. Koundouno pousse le bouchon du cynisme et la volonté de discréditer jusqu’à insunuer que les associations de presse «auraient… un arrangement confortable avec le pouvoir militaire». Une chose dont il ne peut pas apporter la preuve. C’est d’ailleurs la raison peut-être pour laquelle il fait usage du conditionnel. Signe que lui-même est convaincu qu’il ne dit pas vrai. Moralement, c’est indécent d’agir de la sorte.
Il faudrait peut-être rappeller que les Associations de presse sont souvent victimes de balivernes de cette catégorie mais elles acceptent d’encaisser pour refuser d’être au cœur de la polémique ou d’être une partie aux differentes crises que traverse notre pays. Et ça, ce n’est pas maintenant que ça commence. Ce n’est pas le moment ni le lieu de dire tout ce que la presse guinéenne fait et les coups que nous encaissons non seulement de la part de certaines autorités mais aussi par vous et certains de vos partisans victimes du mauvais exemple que vous donnez. Ce n’est pas non plus ici qu’il faut dire toutes les tentations devant lesquelles nous résistons.
Quand le Premier ministre Kassory a lancé ici ses consultations pour un projet de nouvelle constitution et que nous avons été conviés, les Associations ont dit qu’elles n’avaient pas d’avis, préférant garder notre position de sentinelle. Ce qui n’est possible qu’en restant en dehors des intérêts partisans. Après l’avènement du CNRD, le FNDC, votre organisation, après avoir effectué une tournée sous-régionale pour battre campagne en faveur du régime du Général Mamadi Doumbouya, a dépêché une délégation pour rencontrer les associations de presse à l’effet de nous convaincre de participer avec vous à la récréation d’une entité appelée «Forces vives de la Nations » qui avait existé auparavant. C’était au début de la discorde entre vous et le régime militaire que vous vilipendez aujourd’hui, mais que vous applaudissiez des deux mains (ce qui est votre droit de faire évoluer votre opinion au gré de vos intérêts). Mais la réponse des associations fut sans appel : nous avons décidé que nous n’en voulions pas, que nous devrions rester dans notre neutralité politique.
Le Chef de l’Etat, le Général Mamadi Doumbouya, par décret, a accordé deux places aux associations de presse dans le cadre du dialogue politique qu’il a bien voulu instituer. Quand, à notre première participation en présence du FNDC et de l’UFDG, nous avons vu comment les choses se passaient, les deux représentants des associations de presse ne sont plus jamais repartis dans ces assises. Jamais. Quand vous tentez de nous dénigrer en nous faisant passer pour des poules mouillées incapables de défendre leurs droits, vous ne devez pas oublier que contrairement à vous, nous nous sommes restés au pays. Nous sommes là avec nos familles. Et ce n’est pas le visa que nous ne pouvons pas avoir. Nous sommes là, bravant tous les risques que vous dites avoir fui en allant vous refugier chez les autres. Chaque matin, nous rencontrons la police, la gendarmerie, l’armée, les autorités, nous leur posons les questions sur des sujets qui préoccupent les citoyens et nous transmettons aux mêmes citoyens les réponses qu’on nous donne. Qui a démissionné ?
Nous avons beaucoup de défis que nous essayons d’aborder avec beaucoup de courage et de résilience, mon cher Koundouno. Nous avons l’obligation de servir notre pays en maintenant le contact avec tout le monde, surtout avec les autorités en charge de la conduite des affaires de notre Guinée. Et nous avons besoin de l’accompagnement de tout le monde, y compris vous mais dans le respect des lois, des institutions et des personnes qui les incarnent. La loi sur la liberté de la presse, la loi sur l’accès à l’information publique, la convention collective des journalistes, la question des médias fermés…beaucoup de défis qui exigent qu’on ne soit pas là à répondre à chaque coup. Mais ce serait plus gentil et plus pertinent de cesser cette volonté de salir tout le monde et de prendre les autres pour la cause de votre désenchantement politique.
Thierno Amadou Camara (M’Bonet)
Journaliste/Auteur
Directeur de Publication de Guinee114.com
Président du REMIGUI
Vice-Président de la Maison de la Presse
Membre de la Commission de délivrance de la Carte de Presse