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Labé: un dialogue communautaire sur les droits de l’Homme !

Depuis quelques années, la région administrative de Labé ne fait pas bonne presse en matière de respect des droits de l’Homme. Pour cause, les multiples violences notamment basées sur le genre enregistrées dans la région. Le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme se penche sur la problématique et échange avec les chefs de quartiers et des ONG de lutte contre les VBG (violences basées sur le genre). C’est dans ce cadre qu’une rencontre s’est tenue ce mercredi, 08 juin 2022 à la Mairie de Labé.

Durant plusieurs heures, acteurs de la société civile, chefs de quartiers et  émissaires de la représentation des Nations-unies en Guinée, ont échangé longuement sur les multiples violations des droits de l’Homme (viols, violences, assassinats…) en vogue dans la région. La démarche vise à recueillir les différentes préoccupations en vue de trouver des pistes de solution à la problématique.

Des participants ont dénoncé les difficultés liées à l’identification et à l’interpellation des bourreaux. Souvent,  les problèmes sont gérés à l’amiable entre les familles et les victimes sont réduites au silence. « Les droits de l’Homme à Labé, je ne dirais que ce n’est pas une réalité mais c’est insuffisant. Nous avons ici les revers sociaux, aujourd’hui beaucoup de personnes subissent des violences  à Labé. Qu’elles soient (violences) morales, sexuelles et autres. Il y a surtout des violences basées sur le genre qui sont récurrentes.», dénonce Tiguidanké Diallo, présidente de l’ONG ARC (Appui pour la Résolution des Conflits Conjugaux).

depuis quelques années

Dans plusieurs cas de viol ou de violences, les enquêtes sont souvent ouvertes mais généralement les bourreaux en cavale restent introuvables. Ce qui encourage davantage la récidive s’indigne Tiguidanké Diallo. « Les enquêtes ne sont pas approfondies. Des filles sont violées et assassinées et jusque-là il ya rien, on ne dira jamais voici l’auteur. Et même si on trouve l’auteur c’est rare qu’on dise voici la sentence prononcée », déplore-t-elle. C’est pourquoi elle demande plus d’implication de l’Etat en apportant des outils de travail aux enquêteurs. « Il faut qu’il y ait du matériel, il faut qu’il y ait du personnel mais surtout qu’il y ait du suivi ».

Le manque de médecin légiste est une autre difficulté et non des moindres. Si avant les cas de violations des droits de l’Homme ne sont pas portées à l’attention des populations, aujourd’hui la donne a considérablement changé grâce aux médias locaux. « Les violences basées sur le genre sont très récurrentes et cela se remarque quotidiennement. C’est à travers les médias qu’on apprend beaucoup d’informations. Mais de l’autre côté aussi, nous constatons que les autorités et les parents des enfants ne jouent pas pleinement leur rôle dans l’éducation des enfants. La façon dont l’encadrement se fait, ce n’est pas tout à fait adéquat (…) », s’alarme un chef de quartier.

depuis quelques années

Mais grâce à ce cadre de dialogue communautaire, les participants fondent l’espoir sur le Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme pour inverser la donne. « Nous espérons qu’à partir de maintenant, les Nations-Unies vont suivre de près les activités menées à Labé pour que lumière soit faite sur les dossiers », plaide une autre participante.

Décidément les échanges ont été fructueux.  Des chefs de quartiers promettent de mener des sensibilisations au sein de leur communauté afin d’aboutir à un changement de mentalité. Mamadou Oury Bah, président du conseil de quartier de Saala Ndouhébhè : « Des choses très importantes ont été dites ici. Vous savez comment nous vivons dans nos quartiers avec l’insécurité qui y règne. La rencontre a été véritable rendez-vous de donner et de recevoir, notre devoir c’est de retourner au niveau de nos quartiers, faire un compte-rendu fidèle à nos chefs de secteur. Ils vont, eux aussi, élargir cette sensibilisation qui vient d’être faite ici ».

Les différentes inquiétudes exprimées ont retenu l’attention de Patrice Vahard, le représentant de l’ONU droit de l’homme en Guinée. « J’ai été très encouragé par le fait que les chef de quartiers, les chefs religieux, mais aussi des hommes et des femmes qui sont venues des différentes zones de Labé aient la même lecture que nous à savoir : premièrement que les violences basées sur le genre sont un fléau qui n’appartiennent plus à la Guinée d’aujourd’hui, que le silence et l’indifférence sont des facteurs qui aggravent les VBG notamment le viol et que des actions qui ont été menées notamment par les organisations internationales et les nations-unies y compris ont aidé à briser le silence… la deuxième chose, c’est que tout le monde constate que la situation est préoccupante et qu’il faille redoubler d’actions. J’ai bien apprécié que les populations elles-mêmes aient mis l’accent sur la lutte contre l’impunité qui est un élément essentiel pour donner l’exemple mais aussi pour éduquer les populations sur le fait, notamment les auteurs des viols n’ont vont continuer à être célébrées au moment où les femmes, les filles en particulier souffrent dans leur chair et dans leur bien-être (…) ».

Les préoccupations étant donc soulevées, des solutions devront être trouvées, reconnaît M. Vahard. « Tout à fait !  Les nations-unies s’appuient énormément sur les points de vue et la participation. Pour nous, c’est important de venir nous approprier des perspectives des populations. Et, vous avez vu dans la salle, ce sont plusieurs générations qui se sont retrouvées comme un seul homme, une seule femme d’un fléau pour qu’ensemble, on puisse trouver des solutions idoines. Ce que les populations ont dit ici nous a confortés dans les hypothèses que nous avions à partir des analyses que nous avions faites du problème de viol et de violences basées sur le genre. Ça nous rassure que les solutions que nous mettons en place auront un relai parce que, s’il n’y a pas d’appropriation, si on ne peut pas se reposer sur les populations, si nous venons des capitales avec des théories ça ne pourra pas avoir un impact. Par contre, lorsque les populations elles-mêmes participent, ça veut dire que nous allons dans le même sens », a-t-il conclu.

Rappelons que le haut-commissariat des nations-unies en Guinée a une série d’activités à mener dans la commune urbaine de Labé et dans la préfecture de Lélouma.

Alpha Oumar DIALLO

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