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Événements du 28 septembre 2009: François Lounceny Fall revient sur sa mésaventure en compagnie de ses pairs

Le procès des événements du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à l’enceinte de la cour d’appel de Conakry. Ce mardi, 28 mars 2023 c’est l’ancien premier ministre et ancien membre des Forces Vives lors du massacre au stade du 28 septembre, François Lounceny Fall qui donne sa version des faits en tant que partie civile dans cette affaire. 

 
Dans sa déposition, le leader politique est tout d’abord revenu sur le motif de l’organisation de la marche le jour du 28 septembre 2009 au stade éponyme. Pour lui c’est la volonté du président du CNDD de se présenter aux élections présidentielles et la venue de l’ancien président Sénégalais, Maître Abdoulaye Wade à Conakry qui les ont amenés à se faire entendre. 
 
François Lounsény Fall a dit aussi qu’au moment où ils (leaders politiques) se rendaient à l’esplanade du stade où un meeting était prévu, ils ont rencontré Colonel Moussa Thiégboro au niveau de la Fondis à la tête d’un groupe de gendarmes qui a tenté de les dissuader de ne pas se rendre au stade en vain. C’est là-bas que leurs militants sont venus les porter aux dos jusque dans le stade. 
 
Le président du FUDEC a apporté aussi des détails sur ce qui s’est passé après leur entrée dans le stade.
“Aussitôt que Jean Marie Doré ait fait son entrée au stade, nous avons entendu des crépitements d’armes à l’extérieur suivis d’une grande ruée de gaz lacrymogène qui a envahi tout le stade. Le stade était inondé de gaz lacrymogène. Nous étions à la tribune. Mais de là où nous étions, nous n’arrivions plus à respirer. C’était ma première expérience avec l’odeur ocre, sulfureuse du gaz lacrymogène. Les jeunes ont formé un cordon pour nous apporter des feuilles pour nous protéger contre l’effet du gaz. C’est en ce moment que la panique a gagné tout le stade. Les jeunes couraient partout. Et ensuite les militaires ont fait leur entrée. De là où j’étais, j’ai reconnu le commandant Aboubacar Diakité parmi eux. Les militaires sont rentrés. Certains ont commencé à tirer sur la foule qui était en débandade. Vous ne pouvez pas imaginer, une foule dans un endroit fermé, les portails tenus par les militaires, avec des murs hauts. Des jeunes escaladaient les murs et tombaient. J’ai vu des jeunes tomber sur la pelouse quand des militaires tiraient sur eux. C’est en ce moment que nous avons vu le commandant Toumba monter les escaliers. Arrivé à notre niveau, il a dit où sont les leaders? Dès que nous sommes levés, les militaires qui étaient derrière lui, comme étant le groupe de Marcel. Ce groupe là s’est emparé de nous.  Nous avons reçu les premiers coups. Sidya a reçu un violent coup de gourdin ou de crosse de fusil sur sa tête. Le sang a jailli. J’ai reçu un violent coup, je suis tombé sur les gradins. C’est ainsi que nous sommes descendus. D’autres sont partis vers la droite, nous sommes descendus par la gauche toujours poursuivis par ces assaillants jusque sur la pelouse. Arrivés sur la pelouse j’ai vu notre collègue Cellou Dalein entre leurs mains. Il y avait au moins 5, 6 ou 7 militaires, ils étaient nombreux en train de l’étrangler littéralement, le rouant de coups. Pendant que nous étions arrêtés, j’ai vu Marcel asséner un violent coup sur la tête de Sidya Touré. Puis j’ai reçu un violent coup de matraque sur la terre. Je suis tombé. Je me suis relevé et me suis accroché à la ceinture de mon jeune et infortune collègue du jour, Mouctar Diallo. Mon garde de corps voyant cela, m’a couvert de son corps.
 
C’est à ce moment que Toumba a essayé de dégager les militaires. Il ne pouvait pas. Difficilement il nous a extraits et nous a demandé de le suivre. C’est ainsi que nous sommes sortis de l’intérieur du terrain de football. Nous l’avons suivi, mais nos assaillants nous poursuivaient toujours. Arrivés, au niveau du palais des sports, on a vu des militaires en train de déshabiller des femmes, en train de les battre. C’est ainsi que nous avons marché jusqu’à l’esplanade du stade. Arrivés là, nous avons retrouvé notre infortuné porte-parole Jean Marie Doré qui n’avait plus sa veste, ni sa cravate. Il était battu à sang. C’est en ce moment que Toumba nous a embarqués dans son véhicule. Lorsqu’il nous embarqués dans son véhicule, ça doit être une Jeep, il est reparti en courant vers le stade nous laissant dans le véhicule. Pendant ce temps, Marcel et ses soldats tournaient autour du véhicule. Il proférait des menaces. À un certain moment il a donné un violent coup de matraque dans le visage de Sidya Touré. J’ai ressenti ce coup parce qu’il était violent. C’était en plein visage. Sidya lui a dit “mais qu’est-ce que je t’ai fait?”. Il a répondu que “nous allons vous tuer tous”. Et il menaçait. C’est en ce moment que nous avons vu Toumba revenir en courant. Il a démarré.  Plutôt que de prendre la route du camp, parce que pour nous Toumba est venu pour nous arrêter, il a fait demi tour et il a pris la route de Donka. Il roulait a tombeau ouvert. On est allé jusqu’au pont 8 novembre et il a tourné à droite. J’avais pensé qu’il nous amenait au quartier général de la CMIS. Mais il a finalement garé à la clinique Ambroise Paré. Lorsque nous sommes descendus nous avons vu des médecins, des infirmiers sortir pour nous accueillir. 
 
C’est à ce moment que nous avons vu Marcel surgir. Commandant Thiégboro était présent sur les lieux. Alors il y a eu altercation entre Marcel et Toumba. C’est là où nous avons su que celui qui nous battait à l’intérieur du stade s’appelait Marcel, parce que Toumba l’appelait par son nom. Ils ont eu une longue discussion. Après Toumba l’a tiré vers un côté. Ils parlaient tout en marchant. Marcel tenait à ce qu’on nous amène au camp Alpha Yaya et Toumba tenait à ce qu’on soit à la clinique. Toumba n’a pas réussi à le contenir et il est venu vers nous. Le commandant Thiegboro a aussi essayé timidement d’intervenir auprès de Marcel. Ça n’a pas marché. Et c’est par la suite que Marcel a sorti une grenade pour dire que si on nous recevait dans ce dispositif hospitalier, il allait faire exploser la clinique. Les infirmiers et les médecins qui étaient là ont tous fui. Ils sont entrés à l’intérieur de la clinique en courant. Toumba ayant compris qu’il  n’avait pas la possibilité de nous faire admettre dans cette clinique, nous a réembarqués dans son véhicule et toujours à la même allure pour la ville. Il nous a conduits jusqu’au niveau de l’état-major de la Gendarmerie. C’est là où il nous a déposés. On nous a reçus, on nous a fait asseoir sur des bancs. Nous sommes restés là-bas pendant un bon moment et c’est à la suite de ça que le Général Baldé est arrivé. Il est passé à côté de nous, il nous a regardés et il est passé. C’est Jean Marie qui l’a interpellé. Il a dit “mon Général vous avez vu dans quel état vous avez mis ces personnalités ? Ce sont deux anciens Premiers ministres que avez traités comme ça. Le Général Ibrahima Baldé nous a dit non je vous ai écoutés au stade…”, a longuement narré François Lounceny Fall, ancien membre des forces vives.
 
L’audience continue son cours normal avec les questions des avocats de la défense après celles du tribunal et du parquet.
 
Mamadou Macka Diallo depuis la cour d’appel 
666 660 366

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