Indiscipline ou manque de compréhension de la procédure budgétaire ? Les clash jusque devant le pouvoir législatif entre des ministres et leur collègue en charge du cadrage budgétaire, est l’autre héritage que le gouvernement de transition perpétue. Lors d’une conférence de presse du dernier gouvernement d’Alpha Condé, la ministre en charge du Plan, Mama Kany Diallo, a particulièrement remis à leur place, des ministres qui se plaignaient de faibles allocations budgétaires et qui la prenaient comme responsable de cette situation. Cette scène a été reproduite la semaine dernière par deux ministres du gouvernement Goumou devant les conseillers du Conseil national de la transition (CNT). Il s’agit du duo Mory Condé, ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation et Lancinè Condé, ministre du Budget.
Venu défendre son projet de budget au compte du projet de Loi de finances initiale 2023, le ministre Mory a essentiellement axé son discours sur la contestation, tentant de démontrer aux conseillers nationaux que l’essentiel de ses priorités n’ont pas été prises en compte. Et pour ça, il dénonce le ministère du Budget qui, peu après, est monté sur le ring pour se défendre. « Dans le cadre du renforcement de la décentralisation, sur un montant sollicité de soixante-quinze (75) milliards, le ministère du Budget n’a accordé aucun montant pour le renforcement de la décentralisation dans notre pays », s’est plaint le ministre de l’Administration du territoire, égrainant un long chapelet de priorités non prises en compte à sa satisfaction.
A l’entame de sa réaction, le ministre du Budget déclare : «j’avais profité de la pause pour demander au président de me libérer il m’a dit non, tu dois répondre aux questions des conseillers. Je voulais partir, pas parce qu’il ne fallait pas répondre à vos questions mais je voulais éviter de polluer votre discussion ». Le message n’est pas destiné qu’aux seuls conseillers, mais aussi à son collègue ministre.
Et de poursuivre : «la réalité est que l’exercice budgétaire est un exercice compliqué… Vous avez vu, la semaine dernière, vous avez voté vingt-sept (27) mille neuf cents dix milliards (volet recettes), c’est fini. C’est le montant à repartir. Vous avez été généreux, vous êtes partis chercher cinquante-cinq (55) milliards mais vous avez dit, monsieur le ministre du Budget, nous donnons 90% de cet argent à la santé et à l’achat de médicaments. Les crédits sont identifiés et fléchés. Ensuite, il faut repartir selon toutes les priorités que nous avons.
Par politesse, la dernière fois je vous ai dit qu’il y a plus de 50% de réculence dans notre budget, les dépenses qui ont commencé dont les effets continuent l’année prochaine. Vous connaissez les chantiers, par exemple quand vous prenez la route nationale qui va jusqu’à Dabola, ça commencé il y a quelques années mais ça continue. Donc ça donne une idée même si cette route n’est pas payée par le budget national, c’est payé par un arrangement qui est diffèrent mais c’est juste pour qu’on voit. C’est le cas aussi des travaux dans les universités, c’est le cas de beaucoup d’autres travaux. Ces dépenses qui ont commencé par le passé, sur lesquels nous avons significativement avancé, il est impossible d’arrêter ces dépenses, il faut continuer de les exécuter.
Donc c’est dans cette contrainte que nous devons faire. Il y a des départements qui ont des ressources en fonction de leur niveau de priorité, il y en a d’autres qui n’en n’ont pas. Mais à partir du moment où on a limité le montant qu’on peut prélever, ça devient un jeu à somme nulle, c’est ce que l’un a que l’autre n’a pas. Si on décide d’augmenter par-ci, on va prendre par-là, c’est la réalité, je préfère vous la présenter. C’est pourquoi je voulais m’éclipser pendant la pause. Ma compréhension du débat en plénière sur les politiques sectorielles, ce n’est pas le montant qui est alloué, c’est qu’est-ce qu’on fait de ce montant ? Même si vous n’avez qu’un franc, quelle est la politique pour laquelle vous avez ce 1 franc ? Qu’est-ce que vous en faites ? Qu’est-ce qui nous dit que c’est la meilleure utilisation ?».
Comme si cela ne suffisait pas pour rejeter les accusations de son collègue de l’Administration du territoire, le ministre Lancinè Condé apporte des précisions sur un pan du processus de préparation du projet de budget. «Notre processus budgétaire est un processus à plusieurs étapes. Et, une des étapes clefs, c’est comment on met ensemble le document qui vous est remis, qui s’appelle le bottin ? Quand on arrive, on a fini les discussions, on a clarifié les objectifs et que la lettre de cadrage a permis de définir pour chaque département combien vous aurez, les rubriques qui doivent être renseignées sont sur une plateforme de développement du budget, chaque département ministériel charge et nous nous récupérons.
Aucun département ministériel ne pourra soutenir que nous avons récupéré des informations à sa place. Chaque département a sa clef et sa plateforme. C’est comme votre e-mail, vous entrez vous dites pour le titre 1 nous voulons ça, pour le titre 2 nous voulons ça et on met les lignes, ensuite le titre 3. Et c’est quand vous avez fini de faire cela et que vous avez validé à votre niveau que ces informations nous arrivent au ministère du budget. Ce sont ces informations électroniques que nous agrégeons », a expliqué le ministre du Budget, Lancinè Condé.
A noter que l’attitude du ministre Mory Condé est celle de la plupart des ministres qui ont défilé la semaine dernière devant les conseillers nationaux pour défendre leurs budgets sectoriels. La quasi-totalité y compris les ministres de la Sécurité et de la Justice, ont transporté à l’hémicycle les contestations liées à la faible allocation alors que, selon les explications du ministre du budget, ce débat et les arbitrages devaient être faits au niveau du gouvernement, une fois le bottin transmis à la représentation nationale, le curseur mis sur la défense du budget transmis.
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