Procès du 28 septembre : le tribunal rejette la demande de mise en liberté du colonel Ibrahima Camara « Kalonzo »

C’est l’un des sujets qui ont suscité le débat ce mercredi, 13 décembre 2023, au procès des événements du 28 septembre 2009. Après le témoignage du lieutenant-colonel Sory Condé, ancien élément des services spéciaux qui étaient dirigés par le colonel Moussa Tiegboro Camara, les avocats du colonel Ibrahima Camara dit Kalonzo (l’un des accusés dans cette affaire) ont sollicité sa mise en liberté. Pour eux, le passage de ce témoin confirme que leur client n’a pas participé au massacre du 28 septembre 2009 parce qu’il était en détention au moment des faits.

« Bien avant aujourd’hui, nous avons versé dans le dossier de la procédure un procès-verbal d’audition des colonels Bah Oury et Tamba Gabriel qui ont attesté qu’avant le 28 (septembre 2009), le colonel de gendarmerie Ibrahima Kalonzo Camara était effectivement en détention au PM3. Et si mon souvenir est exact, même le colonel Tiegboro Camara a reconnu effectivement que sur sa plainte, le colonel Kalonzo était en arrêt de rigueur au PM3 pendant les événements. Le témoin dont la version a été prise en compte… vient d’éclairer la religion des uns et des autres. Je souhaite qu’il en soit de même pour le tribunal. Donc au nom du collectif qui défend le colonel Kalonzo et en application des dispositions de l’article 244 du Code de procédure pénale, nous sollicitons très respectueusement, monsieur le président, messieurs les assesseurs, messieurs les procureurs, qu’il vous plaise bien d’ordonnez la remise en liberté du colonel Kalonzo en attendant la suite de la procédure. Il s’engage à se présenter à toutes les audiences jusqu’à la fin de ce procès », a plaidé maître Salifou Béavogui, membre du collectif des avocats du colonel Kalonzo.

Mais le ministère public, par la voix du procureur Sidiki Camara, s’est aussitôt opposé à cette requête pour plusieurs raisons.

« Monsieur le président, cette demande qui est faite sur la base de l’article 244 du code de procédure pénale ne pourrait pour le moment prospérer pour des raisons aussi simples. La première raison, le témoin qui vient à peine de quitter, avait été assez formel lorsqu’il était passé devant le magistrat instructeur. Il a parlé avec fermeté et cela a été transcrit dans son procès-verbal que le 28 septembre 2009, le colonel Kalonzo était leur chef d’équipe. Aujourd’hui, c’est vrai, il est venu ici se raviser, il a soutenu le contraire de ce qu’il avait déclaré devant le magistrat instructeur. Pour le moment aucune appréciation n’est faite. Est-ce qu’il faut tenir compte de ses déclarations antérieures ? Est-ce qu’il faut tenir compte des déclarations qu’il a faites aujourd’hui ? Pour le moment, cela n’est pas apprécié.

La deuxième raison, à la date du 16 novembre 2022, notre parquet a adressé un courrier au commandant de pelleton mobile n°3 de Matam (PM3). Le commandant nous a répondu en ces termes : ‘’en définitif, nous ne serions en mesure de satisfaire à votre demande car nous ne possédons aucune archive’’. Ça veut dire, monsieur le président, qu’au niveau de ces services, on n’a pas pu faire des vérifications nécessaires pour savoir si effectivement à la date du 28 septembre 2009, monsieur Kalonzo était dans les locaux du PM3.

La troisième raison, les colonels Tiegboro et Blaise Goumou n’ont pas été formels par rapport à la présence du colonel Kalonzo dans les locaux de la gendarmerie du PM3 au moment des faits. Ça fait qu’on ne peut être convaincu si effectivement à cette date-là, l’accusé Kalonzo était dans les locaux du PM3. La quatrième raison, depuis le début de cette procédure, il n’y a eu aucun autre témoignage qui puisse attester qu’à cette date-là, Kalonzo était dans les locaux du PM3. Personne n’est venu dire qu’à cette date-là que l’accusé Kalonzo était dans les locaux du PM3. Ça n’a pas été dit et devant votre tribunal et devant le magistrat instructeur.

Aussi, Ibrahima Camara alias Kalonzo est un officier supérieur. Au moment des faits, il était en fonction à l’anti-drogue. Ça veut dire, monsieur le président, un officier supérieur, c’est un donneur d’ordre. Et nous sommes tous convaincus dans cette salle, qu’au niveau des services spéciaux du colonel Tiegboro, il y a eu des exactions, il y a eu des séquestrations, il y a eu des tortures. Des victimes ont défilé à cette barre, des témoignages ont été apportés par rapport à cela. Et Kalonzo était au sein de ces services-là. Voulant le libérer alors que nous ne sommes pas convaincus des faits qui lui sont reprochés, nous pensons que ça va être une fuite en avant. Nous devons laisser le soin au tribunal de procéder justement à toutes les vérifications nécessaires. Et pour toutes ces raisons, le ministère public s’oppose avec énergie à cette demande de mise en liberté », a dit Sidiki Camara.

Même son de cloche chez les parties, qui ont aussi exprimé leur opposition à cette demande de mise en liberté.

« Une autre raison qui fait que vous devez rejeter cette demande, monsieur le président, est la suivante : il y a trois ou quatre jours depuis que le colonel Bah Oury, commandant de PM3 à l’époque, est venu à mon cabinet pour me dire : ‘’ maître, j’ai entendu vos confrères parler de mon nom par rapport au colonel Kalonzo, voici mon passeport, j’ai quitté ici le 26 (septembre 2009). Les 27, 28 et 29, j’étais au Maroc. Voici mes ordonnances prescrites par les médecins marocains, voici la date de mon retour. Par rapport à sa prétendue détention au PM3, je n’en sais absolument rien’’. Donc voilà l’une des raisons non des moindres qui fait que vous devez rejeter cette demande en plus de celles avancées par le ministère public », a déclaré maître Alsény Aïssata Diallo, représentant certaines parties civiles.

Le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, a délibéré sur place, rejetant la demande de mise en liberté du colonel Ibrahima Camara alias Kalonzo, avant de renvoyer le procès au lundi prochain pour la suite des débats.

Mamadou Macka Diallo
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